Il vous est sans doute arrivé de passer une journée entière, voire plus, sans vous laver, coiffer, raser/maquiller parce que vous n'aviez pas l'intention d'être vu(e) par qui que ce soit (ou en tout cas personne qui aurait pu s'en formaliser). Si toute votre vie était comme une de ces journées, peut-être finiriez-vous vous aussi par ressembler à cela :
Les espèces animales dont je vais vous parler aujourd'hui n'ont pas cette excuse. Elles vivent sans honte à la surface de la Terre, affronts vivants à la notion de beauté elle-même.
Commençons par celle qui porte le mieux son nom...
Aye-Aye
Il est coutume d'accorder une grande importance aux premières paroles d'un enfant. Les premières paroles des parents lorsqu'ils voient leur enfant pour la première fois ne sont par contre généralement pas consignées où que ce soit, vraisemblablement parce qu'un bébé qui vient de naître n'est pas nécessairement particulièrement beau (et ne s'améliore pas non plus toujours avec le temps).
Tout cela pour dire que le "Aye aye" a probablement été baptisé par sa mère lorsqu'elle a vu ce qu'elle avait mis au monde :
L'aye-aye est un petit singe de Madagascar qui a la malchance de ressembler à un croisement entre un cadavre de chauve-souris ramassé dans un caniveau et l'antéchrist.
Wikipédia le décrit comme « un lémurien très particulier dont on peut dire qu'il combine des incisives de rongeurs, des oreilles de chauve-souris, une queue d'écureuil, ... » puis s'engage dans une tangente au sujet de son troisième doigt extrêmement allongé en omettant de préciser que ses pattes ressemblent aux serres de la Mort elle-même :
L'aye-aye est considéré dans le folklore local comme un présage de mort. Il est pourtant relativement inoffensif, en dehors du fait qu'il aime piller les villages et les plantations (et provoquer des crises cardiaques chez les personnes sensibles).
Condylure étoilé
Les taupes ne sont généralement pas considérées comme des animaux particulièrement sympathiques, mais c'est moins à cause de leur apparence qu'à cause de leur effet sur le sol.
Imaginez maintenant ce que les gens penseraient d'une taupe ayant un museau ressemblant à cette anémone hideuse :
Si votre imagination ne vous permet pas de concevoir une telle chose, rassurez-vous : la nature l'a fait pour vous. Il ne s'agit pas d'une image d'anémone mais bien de condylure étoilé, une sympathique taupe américaine qui aurait sa place dans un film de science-fiction :
Comme l'aye-aye, le condylure étoilé est un animal inoffensif dont le seul défaut est de ne pas se conformer aux canons esthétiques de l'être humain.
On ne peut malheureusement pas en dire autant de ceux qui suivent :
Guêpe pepsis et consorts
J'ai pour la première fois entendu parler de cette guêpe sur un site internet en anglais, langue dans laquelle elle porte le doux nom de tarentula hawk.
Je dois vous avouer que j'ai été un petit peu déçu et rassuré quand j'ai découvert que pepsis n'était ni une araignée ailée, ni un faucon à huit pattes, mais bien un simple insecte :
Image par Paul Nylander
Bien sûr, à ce stade, nous sommes complètement blasés vis-à-vis des insectes géants. Qu'est-ce que cette guêpe a de plus que l'ichneumon, le frelon géant d'Asie ou son homologue plus célèbre produit par une firme d'Atlanta ?
Deux choses. Tout d'abord, elles capturent les tarentules afin d'y pondre un oeuf, de sorte à ce que leur larve se nourrisse ensuite des organes internes de l'araignée encore vivante en prenant soin de garder ses organes vitaux pour la fin. Je répète : nous parlons ici d'une guêpe qui voit le jour en jaillissant du cadavre d'une araignée universellement considérée comme terrifiante après en avoir absorbé les entrailles.
Mais ce n'est pas là la seule raison qui m'a convaincu de vous parler de la guêpe pepsis aujourd'hui. Depuis le début de cette série, je me suis échiné à essayer de vous convaincre que les biologistes sont, au mieux, des idiots, au pire, des malades mentaux et, généralement, les deux à la fois. Peut-être ce qui suit achèvera-t-il de vous convaincre.
Un entomologiste américain appelé Justin O. Schmidt est aujourd'hui célèbre pour avoir établi « l'index Schmidt de la pénibilité des piqûres d'hyménoptères », un index servant à mesurer la douleur causée par les piqûres de guêpes, d'abeilles et de fourmis. Il s'y est pris de la manière la plus logique qui soit : en se faisant piquer par chacune d'entre elle et en notant ses impressions.
Il a décrit la piqûre de notre charmante faucon-tarentule comme « aveuglante, violente et abominablement douloureuse [et] affreusement électrique » et la douleur l'accompagnant comme « immédiate et atroce, empêchant la victime de faire quoi que ce soit à part, peut-être, crier ». En raison de la taille de leur dard, la plupart des animaux sont incapables de manger les guêpes pepsis.
Seule une autre piqûre est classée plus haut sur l'échelle de douleur de Schmidt : celle de paraponera clavata, espèce pour laquelle les anglais ont une fois encore un nom plus poétique : bullet ant - fourmi balle...
...où le mot "balle" doit être pris dans le sens "cartouche d'arme à feu". Leur piqûre provoque apparemment « des vagues de douleur brûlante, battante et dévorante qui subsiste jusqu'à 24 heures sans faiblir ». Si Hollywood m'a appris une chose, c'est que la plupart des blessures par balles sont moins douloureuses que cela.
Anecodte amusante : les rites initiatiques de tribus du Brésil consistent à placer une série de ces fourmis dans un gant ou un plastron et à forcer des jeunes hommes à les porter plusieurs minutes. Chez les Satere-Mawe, ce rite doit être accompli vingt fois en quelques mois.
Il y a des jours où internet et ce que les gens en font me pousse à me demander si notre société est vraiment aussi "civilisée" que nous avons envie de le croire. La prochaine fois que cela m'arrivera, je me souviendrai que, malgré tous ses défauts, la société occidentale moderne ne m'a jamais forcé à mettre vingt fois ma main dans un gant rempli de l'espèce de fourmis à la piqûre la plus douloureuse avant de me considérer comme un adulte.
J'aimerais conclure cette article sur une morale telle que "l'homme est le plus horrible de tous les monstres", mais j'ai bien réfléchi à la question et il me semble que l'aye-aye méritait davantage ce titre.
Pour terminer, une image et une citation :
Les monstres véritables ne ressemblent pas à des monstres.
Phillip M. Margolin
Le saviez-vous ? Parfois, si (ne cliquez pas sur ce lien).
Merci à Hervé pour les corrections et à Julien D. L. pour m'avoir prouvé que les gens de Cracked.com ne sont rien que des plagieurs qui ignorent que j'ai le monopole des créatures horribles.