dimanche 1 juillet 2007

Scénariologie, pt 2 - Survie en temps de guerre

Il y a quelques mois, je vous ai présenté une des disciplines dans laquelle je suis une référence mondiale : la scénariologie (dont je suis non seulement un éminent spécialiste mais aussi le créateur et, vous excepté, la seule personne sur Terre à en connaître l'existence).

Mon premier article à son sujet était très théorique. Celui d'aujourd'hui vise à démontrer que la scénariologie a aussi de très nombreuses applications pratiques. En l'occurrence, un guide de survie pour les personnages de film de guerre.


Erreur de débutant à éviter : montrer une photo de l'amour de votre vie

Vous êtes un personnage de film de guerre. En attendant la prochaine scène d'action, vous montrez à vos compagnons d'arme une photo de votre douce et tendre, en expliquant que vous avez promis de l'épouser dès que la guerre sera finie...

Grossière erreur. Avant la fin du film (selon toute probabilité, dès la prochaine scène d'action), vous allez être tué et, dans votre dernier souffle, réaffirmerez votre amour et confierez la photo de votre bien-aimée à un des vrais protagonistes de l'histoire.

Dites à ma chérie que... ...sa photo m'a tué.

De manière générale, évitez de parler de ce que vous ferez après la guerre. Vous rêvez de vous acheter une petite maison dans un coin calme et de vivre de chasse et de pêche ? Ne le dites surtout pas aux autres. Il y aura suffisamment de temps pour ce genre de trucs dans l'épilogue.


Si vous êtes armé, être Américain

Selon toute probabilité, si vous êtes armé mais n'êtes pas Américain, vous êtes un des méchants du film, probablement un soldat étranger défendant stupidement la terre que les GI's viennent libérer. Vous êtes de toute façon fichu, mais vous avez tout de même une petite chance d'abattre un des protagonistes avant de succomber aux balles libératrices des sauveurs de votre nation.

Si vous êtes un civil, il est acceptable d'être non-Américain. Si vous êtes une jeune femme, vous devrez toutefois forcément tomber amoureuse d'un des soldats venu vous libérer du joug de votre gouvernement légitime (?).

Aucune jeune et jolie civile d'un pays en guerre ne peut résister au charme d'un soldat américain.
Entrez dans l'armée !



De l'inutilité d'une radio

Si vous êtes chargé de transporter une radio, jetez-la immédiatement aussi loin de vous que possible. Les radios ont une fâcheuse tendance à tomber en panne au moment le plus inopportun ou à attirer les balles ennemies : dans le meilleur des cas, votre radio ne fera que vous encombrer inutilement, dans le pire des cas, elle fera de vous une cible privilégiée pour les méchants.


Avoir un nom

Des études récentes ont montré que les soldats sans nom ont 95% de chance d'être de simples figurants et de mourir d'une manière anecdotique au cours d'un combat. Avoir un nom peut décupler vos chances de survie.

Attention aux effets pervers, cependant : les personnages ayant un nom sont eux aussi susceptibles d'être tués, mais la scène de leur mort aura au moins le mérite d'être tragique et/ou ponctuée par un des personnages principaux criant votre nom.

Note : les personnages principaux criant le nom d'un camarade décédé sont invincibles. Le fait de crier le nom d'un mort assourdit les bruits de la bataille, ralentit le temps, invoque une musique dramatique et détourne les balles. Il permet aussi de décupler la volonté du survivant, qui pourra ensuite gagner la bataille contre toute probabilité.

Ces machins-là peuvent vous sauver la vie, à condition que vous les lisiez à haute voix.


À éviter : le calme avant la tempête

Vous pensez avoir l'occasion de souffler quelques secondes. Vous enlever votre casque et/ou déposez votre fusil quelque part en soupirant et/ou caressez un animal innocent qui n'a rien à faire là.

Grave erreur ! Les troupes ennemis sont naturellement irritées par ce genre de scène calme et vont l'interrompre d'une manière complètement inattendue pour le téléspectateur (généralement en vous tirant dessus).

L'un des deux mammifères présents sur cette image n'a plus que quelques secondes à vivre.
Le chat, victime innocente de la barbarie humaine, ou le soldat, dont le chat pourra venir tristement renifler le cadavre dès la fin de la fusillade ?



Astuce : en cas de blessure, s'écrier "continuez sans moi, les gars"

Vous avez été blessé en territoire ennemi, probablement dans une embuscade dressée par les ignobles troupes du pays défendant leur terre natale. Rien n'est perdu !

Si vos camarades sont des marines, vous écriez "continuez sans moi, les gars, je ne ferais que vous ralentir" les fera automatiquement passer en mode "abruti suicidaire qui n'abandonne jamais un homme derrière", ce qui les contraindra à vous sauver à tout prix, dans un moment glorieux d'héroïsme sans limite.

Si vos camarades ne sont pas des marines, ils risquent de vous abandonner effectivement à votre sort tandis que vous tenterez de ralentir les ennemis pour couvrir la fuite de vos alliés. Vos chances de survie sont pratiquement nulles mais, au moins, vous allez pouvoir abattre durant vos dernières secondes plus d'ennemis que la totalité de votre unité au cours du film, et mourir en héros en vous sacrifiant (si possible avec une de vos propres grenades).

Un soldat blessé mortellement ! Vite, exposons-nous aux tirs ennemis pour récupérer ce cadavre en devenir !



La cavalerie (attention : à réserver aux personnages principaux de films avec happy end)

Si vous vous trouvez dans une situation désespérée, seul face à un tank ou confronté à l'armée vietnamienne toute entière, ne paniquez pas : si vous êtes le héros du film et que celui-ci doit avoir une fin heureuse, un deus ex machina vous tirera forcément d'affaire au dernier moment, alors que vous vous apprêtez avec courage et patriotisme à défendre les valeurs américaines jusqu'à votre dernier souffle.

En général, vous serez sauvé in extremis par l'arrivée inattendue d'un allié et/ou de la totalité de l'armée américaine.

Conseil de pro : la cavalerie n'arrivera que lorsque votre situation sera vraiment désespérée. Cela nécessite notamment que vous en soyez à votre dernier chargeur de munitions, voir à votre dernière balle. Les vrais professionnels de l'art de la guerre gaspilleront donc leurs munitions pour hâter l'arrivée de la cavalerie (qui arrive toujours à la dernière minute possible).

9 Sun Tzu sur 10 recommandent de gaspiller vos munitions.


Ne pas être un couard à la limite de l'incompétence

Ce conseil peut paraître évident, cependant, il ne l'est pas pour les raisons que vous croyez : ce n'est pas l'incompétence qui signera votre perte.

Quoi que vous fassiez, surtout, surtout ne faites pas preuve d'incompétence ou de peur au cours du film. Si c'est le cas, vous êtes condamné à vous sacrifier pour le bien de l'unité quelques scènes plus tard, dans une démonstration inattendue de courage et de compétence.

Si vos compagnons d'armes vous surnomment "junior", considérez-vous comme mort.

"Ne m'appelez pas Junior."
Indiana Jones savait.


Mode d'emploi : Sniper

Le fusil de sniper est l'arme ultime.
Un sniper ennemi ne rate jamais sa cible, et abat toujours au moins un de vos alliés avant de pouvoir être abattu.
Vos alliés n'ont jamais de sniper.


Mode d'emploi : Grenade

Une grenade ne peut être dégoupillée qu'avec les dents. Les soldats ennemis n'ont aucune notion du temps et lancent toujours leurs grenades trop tôt, ce qui permet au protagoniste de la ramasser et de la leur relancer au visage.


Historiquement, on a donné une forme de fruits aux grenades pour rappeler aux soldats qu'elles s'utilisent exclusivement avec les dents.



Voilà pour aujourd'hui !

Pour terminer, voici comme d'habitude une image et une citation :

Le point de vue américain sur la guerre en Irak.
(au passage, le drapeau belge a été honteusement oublié !)


Je ne sais pas avec quelles armes la troisième guerre mondiale sera menée, mais je sais que la suivante se fera sans moi.
L'inimitable Python rouge