dimanche 11 juillet 2010

Hansi : la fille qui aimait la svastika, pt 1

Jack Chick est loin d'être le seul auteur de bande dessinées catholiques, même si c'est vraisemblablement le plus célèbre, le plus prolifique et le plus déséquilibré.

J'aimerais aujourd'hui vous présenter une autre bande dessinée religieuse, qui porte le doux nom de :

HANSI
La fille qui aimait la svastika

Basé sur l'autobiographie de Maria Anne Hirschmann, alias "Hansi"



Voici Hansi, notre héroïne au regard vide et au visage perpétuellement figé dans un sourire niais. Ne vous inquiétez pas, il ne s'agit pas d'un tract pro-nazi, malgré les apparences.

L'album commence par une petite page de publicité pour Spire Christian Comics :


Hé oui : pendant que d'autres enfants américains lisaient les aventures de Batman ou des X-Men, certains petits chrétiens étaient condamnés à lire « Adam & Eve », « L'Arche de Noé » et « Dieu est... ».

Mais venons-en à l'histoire proprement dite :


Tout commence à la fin du mois de septembre 1938, lorsque l'Allemagne nazie envahit la région des Sudètes. « Nous venons vous libérer ! Nous vous apportons de la nourriture et du travail ! » annonce un officier.

Ravie, notre héroïne se précipite chez sa mère pour lui montrer les livres que les nazi lui ont donné.


« Avant, je n'avais que la Bible à lire. Avec ces livres, j'atteindrai le sommet ! »

Et en effet, grâce aux six (6) livres que lui ont donné les soldats allemands, Hansi réussit les tests pour entrer dans une d'école d'entraînement spéciale des nazi située à Prague. « Un jour, je serai une chef des jeunesses hitlériennes pour le Führer ! » annonce-t-elle gaiement aux gens du village.

Si cela vous choque, j'aimerais vous rappeler que c'était une autre époque et qu'il y a des gens très bien qui en ont fait partie aussi.




Avant que Hansi ne parte pour Prague, sa mère lui montre une sa maison une dernière fois. « Hansi -- n'oublie jamais Jésus ! » lui dit-elle en saluant le drapeau nazi avec la mauvaise main.


« Ma nouvelle école est magnifique ! » dit Hansi alors qu'elle se trouve encore à une distance respectable du bâtiment. Lorsqu'elle y pénètre, une nazie qui était cachée lui répond : « C'était la propriété d'un JUIF ! Le Führer dit que les Juifs sont une race inférieure ! Ce sont nos ennemis !!! ».

Hansi, dont le sens de la répartie est à l'image de son intelligence, rétorque que Jésus était juif, mais la jeune nazie ne se laisse pas démonter : « Hitler nous montre des choses NOUVELLES -- et des manières d'être plus SCIENTIFIQUES ! Nous changeons de dieux, Hansi ! ».

C'est à ce moment-là que le lecteur croyant devrait commencer à suspecter que les nazi ne sont peut-être pas les héros de cette histoire. Les lecteurs les plus attentifs remarqueront qu'il est impossible que la jeune nazie ait entendu le commentaire d'Hansi sur son école, puisqu'elle en était encore très loin au moment où elle l'a fait, et qu'elle semble connaître le nom de Hansi sans que celle-ci le lui ait dit.

Il s'agit incontestablement de l'oeuvre du diable (ou d'une mauvaise dessinatrice) : cette fille est une sorcière.



La guerre bat son plein. Hitler rappelle : « Jeunesses Hitlériennes ! Vous êtes ma jeunesse ! Vous êtes l'Allemagne de demain !!! ».

Lorsqu'une fille se plaint que leurs rations deviennent trop petites, Hansi répond joyeusement : « Je suis fière d'être affamée --- pour le futur brillant de l'Allemagne !!! ». Il pourrait s'agir d'une démonstration du lavage de cerveau patriotique nazi mais, étant donné que Hansi était déjà stupidement optimiste au début de l'histoire, il s'agit juste de son état naturel.

« J'ai perdu mes idéaux quand j'ai perdu mes yeux sur le front russe », se lamente un soldat blessé. Hansi, qui sait toujours trouver les mots qu'il faut, s'exclame : « NOUS ne sommes rien --- le REICH est tout ! ».

Il aurait fallu dire « un oeil sur le front n'est pas très sexy, de toute façon ».


Pourquoi Hansi est-elle toujours si joviale ? Elle a un secret :


Pendant des années, Hansi échange des lettres avec un soldat allemand appelé Rudy, jusqu'au jour où il peut enfin lui rendre visite.

« Es-tu déçue, Hansi ? » sont les premiers mots qu'il lui adresse en personne. « Moi non plus --- je veux que tu m'épouses ! » sont les suivants.


C'était une époque plus simple, avant l'invention d'internet et des gens qui ne mettent pas leur propre photo sur un site de rencontre.



Mais la famille de Hansi est riche et refuse que Rudy épouse une jeune fille pauvre comme Hansi. Celle-ci décide donc courageusement de refuser sa proposition de mariage et d'ignorer ses lettres suivantes.

Elle a maintenant cessé de sourire, puisque sa tragédie personnelle « un homme que j'ai vu une fois dans ma vie ne peut pas m'épouser à cause de sa famille » est apparemment plus terrible que la seconde guerre mondiale, les privations qu'elle a dû subir jusque-là et les plaintes des mutilés de guerre.




« MON petit ami était à Stalingrad juste avant sa chute --- sa dernière lettre disait : ENVOYEZ-NOUS DES BIBLES !!! » explique la sorcière nazie. « Mais pourquoi ? La Bible n'est-elle pas une sorte de livre juif ? »

Hansi s'emporte et, oubliant ce que lui a dit sa mère, s'écrie que la Bible est pour les lâches et les faibles. L'auteur ressent alors le besoin de nous dire que ses hommes n'étaient en fait pas des lâches et qu'ils avaient si peu de Bibles qu'ils en arrachaient des pages, pour que chaque homme puisse en avoir une.

Regardez le visage du soldat au fond. Il réalise qu'il s'est fait avoir, certaines pages de la Bible sont moins intéressantes que les autres : « Jésus à la plage ? Sérieusement ? »



Les troupes russes attaquent Prague et la ville doit être évacuée. « Ne paniquez pas, Hitler ne laissera pas Prague tomber », assure Hansi.

Lorsqu'un soldat essaye de s'enfuir avec elle, elle lui répond avec colère : « Ta place est ICI ! Pour défendre la mère-patrie !!! ». Suis-je le seul à trouver que l'héroïne de cette histoire est plus antipathique que les nazi ?

Heureusement, le soldat prouve rapidement qu'il est un monstre en faisant une proposition à Hansi, qui rétorque qu'elle est PURE et va RESTER PURE.


Le soldat incite Hansi à « profiter de la vie tant qu'elle le peut encore », mais Hansi répond qu'elle croit à Hitler et à la victoire, tandis qu'elle monte dans le train pour quitter la ville. « Garde tes rêves et ton corps pour les RUSSES !!! » s'écrie le soldat, frustré. « Ils t'APPRENDRONT ! »

À bord du train, Hansi apprend que Hitler s'est suicidé. L'Allemagne capitule, le rêve se termine et le cauchemar commence (ce n'est pas moi qui le dit, c'est le narrateur).

Hansi est emmenée dans un camp de travail russe...



...où les journées sont terribles et les nuits, pires encore : les soldats russes violent les femmes, sauf Hansi parce qu'elle est trop maigre. Cela ne l'empêche pas de pleurer et de remonter le moral des autres à sa façon : « Ils reviendront --- CHAQUE NUIT ! » prédit-elle.

Elle encourage les autres femmes à s'enfuir et, contre toute attente...


...son intelligence supérieure lui permet d'y parvenir. Et elle a un plan : « Nous allons aller vers l'Allemagne de l'Ouest --- les Américains sont là-bas ! »

« LES AMERICAINS ??? » s'écrie son amie sorcière. « Ce sont tous des GANGSTERS mâcheurs de chewing-gum », une activité passible de mort à l'époque.

Arrêté pour meurtre avec préméditation, vol à main armée et consommation de chewing-gum aggravée


« Penses-tu qu'il y a encore de l'amour et de la paix quelque part en ce bas monde ? » demande la sorcière, épuisée, lorsque l'aube arrive. Hansi répond qu'elle y croit encore, en se rappelant soudain de sa mère qui lui avait dit de ne pas oublier Jésus.

Les deux jeunes filles finissent par atteindre le no man's land qui sépare l'Allemagne de l'Est de l'Allemagne de l'Ouest. Elles apprennent que les Russes abattent quiconque tente de le franchir, vraisemblablement parce qu'ils sont trop paresseux pour les attraper et les violer.



Heureusement, il existe un moyen de franchir cette zone : un passeur accepte d'aider Hansi et la sorcière à traverser la frontière, en échange de leur sac rempli de pierres précieuses et de montres. Étant donné que les Russes semblent les avoir fouillées avec beaucoup de zèle lors de leur séjour dans le camp de prisonniers, je présume qu'elles ont volé ces richesses sur leur route vers l'ouest.

Le soir, lorsqu'elles rejoignent le guide, elles découvrent qu'elles ne sont pas les seules au rendez-vous. « Un PIÈGE ??? » s'exclame Hansi, qui n'a plus d'argent mais a encore des points d'interrogation à revendre.


Le passeur arrive et les guide vers la frontière. Alors qu'ils ne sont plus qu'à une centaine de mètres de la zone libre, des soldats russes apparaissent soudain et ---

Ceci me paraît être un bon endroit pour interrompre le récit des aventures de Hansi. Échappera-t-elle une fois de plus aux monstrueux soviétiques ? Que va-t-il lui arriver ensuite ? Retrouvera-t-elle un jour sa joie de vivre et son sourire béat ?


Vous le saurez en lisant le prochain article de ce blog !

Pour vous faire patienter en attendant, une image et une citation à méditer :


L'objet de la guerre n'est pas de mourir pour son pays, mais de faire en sorte que le salaud d'en face meure pour le sien.
George S. Patton

Le saviez-vous ? Il n'y a pas un seul point dans cette bande dessinée. Toutes les phrases se terminent par un point d'exclamation, plusieurs point d'exclamation, un point d'interrogation ou trois tirets consécutifs, comme pour marquer un faux suspense qui n'est en général pas ---