mercredi 9 mai 2007

La Conspiration expliquée, pt 1

J'ai jusqu'ici scrupuleusement évité de parler de ma vie personnelle, afin de ne pas tomber dans les travers de tous ces blogs sans intérêt décrivant la morne vie de leurs auteurs. Je vais cependant faire une légère entorse à cette règle aujourd'hui afin de partager avec vous ma dernière mésaventure, qui plaira aux fans de paranormal.

Vous voyez, j'ai l'intime conviction que chaque personne possède un pouvoir qui lui est propre, qu'une capacité unique flirtant avec le surnaturel sommeille en chacun de nous. Certains arrivent à faire avancer leurs montres, détraquent des appareils électriques par leur simple présence ou arrivent à toucher le bout de leur nez avec leur langue.

Moi, j'attire les gens bizarres.

On ne choisit pas son don.

Je ne me hasarderai pas à essayer d'expliquer ce talent hors du commun : peu m'importe de savoir si c'est dû à la manière dont je m'habille, dont je me tiens, à mon magnétisme naturel ou à l'entonnoir que je porte habituellement sur la tête.

Mardi dernier, mon don s'est manifesté alors que des amis et moi étions en train de photocopier des feuilles en urgence, dans un établissement réservé à ce genre d'activité.

L'utilisatrice de la photocopieuse voisine semblait avoir des difficultés à faire usage de la machine, si bien qu'il lui fallut à plusieurs reprises faire appel à notre aide et à celle du gérant du magasin pour parvenir à copier ses quelques pages.

Il faut bien BAC+7 pour pouvoir utiliser ces trucs.

Nos copies terminées, je suis allé payer la dime inhérente à l'emploi des photocopieuses. Une fois cela fait, j'ai rejoint mes amis et les ai trouvés en conversation avec la brave dame.

À mon approche, ils se tournèrent vers moi et l'un d'eux prononça de funestes paroles qui me glacèrent le sang :
- ...mais peut-être que Paul peut vous aider.

C'est dans ce genre de situation que je parviens le mieux à m'identifier à un chat pris subitement dans les phares d'une voiture.

- Oui ?
répondis-je, en m'efforçant de prononcer ce mot non pas comme un serveur avide de rendre service pour maximiser son pourboire mais plutôt comme l'avatar de l'incrédulité dans ses moments les plus dubitatifs.

- Avez-vous un scanner, monsieur ? demanda la dame, d'un ton impliquant clairement que la question était d'une importance suprême mais qu'elle avait bien l'intention de prendre son temps pour tirer cela au clair.

Sa question ne pouvait pas être purement rhétorique. La voiture s'approchait, sans faire signe de s'arrêter, et j'étais un chaton fasciné par la lumière des phares, ne parvenant à décider si je devais terminer de franchir la route ou rebrousser chemin.

Réfléchis vite, Paul !

Ce doute se faufila insidieusement jusque dans mon discours, si bien que je baffouilla :
- C'est-à-dire que je, euh, non, je n'ai pas de scanner dans le sens où ce n'est pas le mien, mais...

Le moment serait bien choisi pour préciser que, par principe, je ne mens jamais ouvertement, même sur les choses les plus triviales. Il m'arrive d'omettre des détails ou de jouer volontairement sur un malentendu, voire de me tromper en toute innocence, mais je suis extrêmement réticent à dire quelque chose de contraire à la vérité, voire totalement incapable de le faire de façon convaincante.

La dame exploita cette faiblesse sans vergogne et s'engouffra dans la brêche ouverte par ma tentative de jouer sur les mots :
- Oh, monsieur, si vous avez accès à un scanner, il faut que vous envoyiez cela à tous vos amis.

De mon point de vue, il ne fallait en fait rien du tout, mais étant donné qu'elle me demandait juste de scanner ses quelques feuilles et de l'envoyer à des amis (et donc pas à elle, comme je l'avais craint, ce qui aurait impliqué que j'aurais réellement été contraint de faire quelque chose).

My God, why hast Thou forsaken me ?

La dame n'avait cependant pas fini de parler, en me montrant les feuilles qu'elle souhaitait que je scanne et diffuse, elle se lança dans ce qui aurait pu être une longue explication hilarante :
- C'est une histoire horrible, Katheline, une pauvre femme qui...

À ce stade, cependant, j'avais repris le contrôle de la situation. mes amis et moi étions pressés et je ne me sentais pas disposé à écouter la biographie d'une prisonnière politique ou de la petite fille aux allumettes.

Je coupai donc pour lui faire valoir mon point de vue :
- Madame, ce que vous nous dites est super tragique et tout, mais nous sommes relativement pressés.
- Alors envoyez ça à vos amis ! conclut-elle en me fourrant les feuilles dans la main.

Mes yeux survolèrent machinalement la première page et envoyèrent à mon cerveau les quelques mots susceptibles de l'intéresser :

Sûreté de l'état - CIA - Prédiction - Mafia - Éléphant

Un des redoutables agents de la CIA infiltrés dans la Mafia des éléphants.

Je sus immédiatement que mon don venait de faire son effet. Sans perdre une seconde de plus, je pris les cinq feuilles manuscrites en assurant à la dame que je ferais de mon mieux pour diffuser leur contenu et, après un ultime conseil de sa part ("mettez les feuilles dans votre mallette pour que la pluie ne les abime pas, c'est important !"), puis je quittai le magasin avec mes amis sans demander mon reste.

Dès l'instant où j'avais posé les yeux sur les feuilles, j'avais compris que je venais de gagner le gros lot. Ce ne fut toutefois que plus tard, lorsque je pus lire les feuilles à tête reposée, que je réalisai que je venais de découvrir quelque chose d'exceptionnel. Ce n'est pas tous les jours que des fous m'apportent sur un plateau d'argent la prochaine mise à jour de mon blog et me supplient de la diffuser.

Voilà pour l'introduction.

J'arrête ici la mise à jour d'aujourd'hui, car elle commence déjà à devenir bien longue et que j'aime faire durer le suspense. Demain, vous découvrirez la première partie de la Conspiration expliquée par Katheline, l'authentique récit (attention : j'ai bien dit "authentique récit", pas "récit authentique") d'une conspiration impliquant la famille royale belge, quelques mafia, une interprétation libre et novatrice de la légende de Tyl Ulenspiegel ainsi qu'un abus horrible du mot "milliards", le tout couronné un manque total et choquant de respect pour les chats.


Comme d'habitude, une image et une citation :


Il serait réconfortant de croire à ces théories de la Grande Conspiration, ne serait-ce que parce qu'elles attribuent à nos dirigeants une intelligence et une compétence dont ils font rarement preuve dans les faits.